Lettre ouverte au Président du Conseil Supérieur de la Communication

 

Suite à l’interpellation de la presse sur le strict respect de l’interdiction de procéder à des publications à caractère politique à partir du 3 Août conformément aux dispositions des articles 68 bis et 68 ter de la loi N°005 portant modification de la loi 014 portant code électoral au Burkina, des OSC ont ouvert une lettre au Président du Conseil supérieur de la communication (CSC).

Vous avez déclaré ceci : « Une OSC qui organise une conférence de presse pour parler politique ne peut pas avoir ou obtenir… Si vous partez couvrir et vous vous rendez compte que ça parle de politique, vous mettez ça dans votre frigo comme vous le dites ». Ainsi, dans votre interprétation de la loi, vous retenez comme personnes assujetties à cette interdiction, les personnes morales politiques d’une part et les personnes morales civiles d’autre part.


“Monsieur le président,

A l’occasion de votre récente sortie médiatique, vous avez interpellé la presse sur le strict respect de l’interdiction de procéder à des publications à caractère politique à partir du 3 Août conformément aux dispositions des articles 68 bis et 68 ter de la loi N°005 portant modification de la loi 014 portant code électoral au Burkina. Pour parler de cette interdiction, vous avez déclaré ceci : « Une OSC qui organise une conférence de presse pour parler politique ne peut pas avoir ou obtenir…Si vous partez couvrir et vous vous rendez compte que ça parle de politique, vous mettez ça dans votre frigo comme vous le dites ».

Ainsi, dans votre interprétation de la loi, vous retenez comme personnes assujetties à cette interdiction, les personnes morales politiques d’une part et les personnes morales civiles d’autre part.

Selon vous donc, peu importe de qui émanent les informations à caractère politique, leurs relais par les médias sont interdits. Et plus loin, vous préconisez qu’une information à caractère politique doit être mise au « frigo ». En réalité ce n’est pas au frigo mais au rebut d’autant que ce qui est au frigo est voué à être réutilisé ultérieurement. Mais là n’est pas notre propos.

Monsieur le Président

De ce qui précède, nous constatons malheureusement que nous n’avons pas la même interprétation de la loi. Car nulle part, l’article 68 bis et 68 ter ne fait mention d’Organisations de la société civile. Et nous ne comprenons pas votre dessein de se substituer au législateur pour étendre la loi aux structures de veille démocratique.
Du reste, la loi ne se limite pas à la nature de l’information mais aussi et surtout à sa finalité.

En effet, la loi n’a de sens que par son fondement. En l’occurrence, le législateur a entendu préserver l’intégrité du scrutin et de l’opinion politique à l’approche des élections. C’est ce qui d’ailleurs explique l’article 68 ter in fine : « (…) aux fins de propagande pouvant influencer ou tenter d’influencer le vote ». En ne retenant que la nature de l’information et en occultant la finalité de l’information, vous avez donné à tort une interprétation large des dispositions relatives à l’encadrement du traitement de l’information en période proche du scrutin. Or, la loi qui vise à réduire une liberté doit être d’interprétation stricte.

A contrario, si le législateur avait entendu interdire uniquement la nature de l’information, il ne se serait pas donner une quelconque peine à en préciser la finalité. Ce qui explique que pour notre part, et cela dénote du bon sens, lorsqu’une OSC dont l’objet statutaire est d’informer et sensibiliser sur les droits civiques et politiques, organise une conférence de presse pour interpeler les différents acteurs sur certains comportements de nature à remettre en cause la cohésion sociale par exemple, elle peut et doit bénéficier d’une couverture médiatique. Une telle information collectée par la presse ne tombe pas, à notre entendement, sous le coup de l’interdiction des articles cités plus haut.

Monsieur le Président

En tant qu’ancien acteur de la RADHO (Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme, ndlr), vous ne devrez pas, quoique désormais revêtu de la camisole politique, être celui qui tombe dans une interprétation de la loi préjudiciable à la liberté d’opinion. Laquelle liberté d’opinion ayant été arrachée au prix de la sueur et du sang. C’est encore risible que ce soit vous qui donnez la caricature de quelqu’un qui essaie de briser les marches de l’escalier qui vous ont porté où vous êtes.

Aussi, les conséquences d’une interdiction abusive fait beaucoup interroger. Si les OSC doivent se garder de parler de politique par voie de presse qui assurera alors la veille citoyenne ? La sentinelle de veille devra-t-il disparaitre pour donner un quitus tacite à des pratiques délétères pour la démocratie ? Entend-t-on par-là mettre en sourdine les dénonciations par voie de presse qui évitent que les plus forts ne s’arrogent la liberté d’écraser les plus faibles dans le jeu politique ? Quelle situation politique cherche-t-on à mettre en place ?
Monsieur le président,

il est encore temps d’aviser vos conseillers juridiques afin de revoir le contenu de votre message pour rassurer l’opinion publique et le soustraire de l’inclination à douter de la bonne foi du pouvoir en place.

Ouagadougou le, 02 août 2020

Ont signé :

- La Coordination Nationale des OSC pour la Patrie : Pascal Zaïda du CED,

- Citoyen Africain pour la Rennaissance (CAR), le porte-parole : Roland Bayala,

- Collectif pour un Peuple Uni (CPPU) : Azise Ben Abdala Ouattara,

– Association des Jeunes Engagés du Kadiogo (JEK) : Mady Ouédraogo dit Mady de Gounghin,

- Mouvement pour la Paix et la Réconciliation Nationale (MPRN) : Papus Traoré

- Association des Jeunes Unis pour la Paix et la Solidarité (AJUPAS) Djibril Kaboré,

- Association Agir maintenant pour les Jeunes (AMJ) : Souleymane Nabaloum

- Association des Jeunes Générations (JG) : Souleymane Ouédraogo dit le Saoudien

- Union d’Action pour le Retour des Exilés (UARE) : Alexis Bagré”

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