Restauration de la paix au Burkina : La colombe descend à Bango

 

Bango, village situé à une quinzaine de kilomètres de la ville de Ouahigouya, était une localité sous contrôle terroriste. Aujourd’hui, Bango est totalement libéré et une majeure partie de sa population est repartie sur cette terre qui les a vus naitre. Déguerpi dans la nuit du 21 au 22 mai 2023 pour avoir refusé de prêter allégeance aux forces du mal, Bango est le symbole d’une paix retrouvée. Des habitants y sont repartis mais demeurent cependant confrontés à plusieurs difficultés dont la plus urgente est celle liée à l’alimentation. Nous avons visité ce village nouvellement réinstallé à une cinquantaine de kilomètres de la frontière avec le Mali, au début du mois de Novembre 2024.

 

La Région du Nord fait partie des zones fortement impactées par la crise sécuritaire qui sévit au Burkina Faso. Comme d’autres villages, Bango s’était vidé de sa population qui a rejoint Ouahigouya, chef lieu de la région du Nord, mais la reconquête du territoire n’est pas un vain mot. Les soldats ont su rétablir la paix là où régnait la peur et la terreur. Ils ont fait preuve d’héroïsme, rappelant ce que signifie le sens du devoir et l’amour de la Patrie. Le village de Bango a fourni environ cent (100) Volontaires pour la défense de la Patrie (VDP) pour le combat de la reconquête du territoire national. Oui, le patriotisme est un serment d’honneur, un engagement pour que la terre du Faso respire la liberté, l’indépendance et la souveraineté. Le retour de la population est un acte de bravoure. Par cette action, les habitants affirment leur attachement à leur racine. Revenir sur la terre de ses ancêtres est une leçon de résilience.

Des ressortissants de Bango avec à leur tête Boukary Diallo, ont décidé d’offrir deux tonnes de vivres composées essentiellement de sacs de riz et une enveloppe de soutien à leurs frères et sœurs qui ont rejoint le village. La cérémonie officielle de remise s’est tenue à Ouahigouya, chef lieu de la Région du Nord. Après cette cérémonie, il faut emmener les vivres à Bango au profit des bénéficiaires. C’est ainsi que nous avons proposé de suivre ce convoi pour apporter la marchandise. Accompagnés par des Volontaires pour la défense de la Patrie (VDP), nous voilà donc en route pour constater la réalité, ce que pourrait ressembler un village réinstallé.

Route Ouahigouya-Bango

Un voyage animé d’un double sentiment

C’est une première fois qu’un véhicule civil rallie Ouahigouya-Bango depuis deux ans maintenant. Instruction nous est donnée de baisser les vitres et de couper la radio. Pourquoi ? Il faut avoir les oreilles grandement ouvertes, attentives et être à l’affût de toute interpellation des Forces de l’ordre. Même si le village est sécurisé et qu’une partie de sa population y vit, il faut être prudent car « prudence est mère de sureté » et elle demeure le garant de notre sécurité. Nous sommes au nombre de 5 dans une voiture 5 places, escortée par des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) armés sur 4 motos et suivis par quelques 3 autres personnes sur motos dont le Président de la délégation spéciale (PDS) de la Commune de Thiou, Boureima Ouédraogo. A la sortie de Ouahigouya, l’inquiétude n’est pas assez-grande. Nous croisons des jardiniers au bord du barrage de « Goinré » , le plus grand de la région. A travers les vitres de la voiture, nous apercevons entre autres, des cultures de rangées de choux, de salade et des bananeraies. Les jardiniers nous lorgnent car cela faisait longtemps de voir un véhicule de ce type sur cette route. Au delà de cet ouvrage d’art hydraulique, le paysage change faisant place aux champs d’arachides et de bissap. Pour rappel, un communiqué en début de la saison pluvieuse, interdisait la culture à spéculation haute (maïs, mil, sorgho) dans certaines zones à forts défis sécuritaires. Les agriculteurs de Ouahigouya ont visiblement pris note. Nous continuons notre voyage dans la quiétude en dépassant les villages de Toessin et de Roba. Un vide saisissant s’impose, des espaces abandonnés, des herbes brûlées et des arbres abattus. Sur plus de 300 mètres, la désolation est visible. Malgré la récente saison pluvieuse, la verdure reste éparse et n’est pas au beau fixe.

A partir du péage, la donne change et certains sont inquiets vu l’état délabré du péage. La bâtisse criblée de balles, bien visible, rappelle de façon brutale, les dures réalités de la guerre. Oui ! ces faits tangibles ne sont pas d’un passé lointain. Il s’agit bel et bien des réalités que nous avons constatées à Bango. Ces traces sur le poste de péage sont une preuve de la cruauté et de la barbarie du terrorisme. Ce lieu qui était auparavant bien animé de toutes sortes de commerces, est de nos jours déguerpi. A quelques cent mètres du péage, un poste de contrôle élaboré par les Volontaires pour la défense de la Patrie, nous accueille. Une ultime vérification s’impose avant d’entrer dans le village. Après les fouilles minutieuses des moyens de déplacement, nous entrons alors à Bango. Avant d’atteindre la grande mosquée, nous avons dépassé l’école primaire construite en 1960. Par mesure de sécurité et de prudence, nous n’allons pas donner beaucoup de détails sur tout ce que nous avons pu observer, surtout l’accueil chaleureux des Forces de défense et de sécurité qui, d’ailleurs, ont rassuré que nous sommes en sécurité.

La lutte contre le terrorisme, une affaire de tous.

Ouahigouha: Photo de famille de la cérémonie de remise de vivres, donateurs et bénéficiaires

C’est au niveau de la grande mosquée inaugurée en 2012 que nous stationnons. Notre première visite est cette mosquée qui, il y a quelques mois, était le fief d’hommes sans foi ni loi. Souillée auparavant par des ignorants de toute foi (assaillants), elle a été maintenant lavée et utilisée par les habitants du village. Dans la ville, des enfants nous observaient avec le sourire aux lèvres. Quelles chaleurs humaines ! Bango vit à nouveau de ses hommes et de ses femmes mais leur plus grande difficulté est la faim. La bonne nouvelle est que notre délégation n’est pas venue les mains vides. Boukary Diallo, fils de la localité, a offert deux tonnes de riz et une enveloppe de soutien à ses parents. « La population est revenue ici à Bango, mais elle n’est pas encore installée. Je suis né et j’ai grandi ici. Aujourd’hui, la difficulté des populations est mienne. C’est donc un devoir pour moi de venir en aide à mes parents, mes frères et sœurs, et mes enfants », a soutenu Boukary Diallo.

Ce don vient à point nommé au profit d’une population qui souffre de quoi survivre. Ces vivre vont soulager un tant soit peu, la population en lui permettant de se nourrir pendant quelques mois. Monsieur Diallo a rassuré qu’il fera le nécessaire avec l’accompagnement d’autres fils de Bango, des amis et des partenaires pour que chaque mois, un don puisse être convoyé dans ce village jusqu’à la sortie de la prochaine saison pluvieuse. Comme Boukary Diallo, chaque Burkinabè devrait s’impliquer davantage dans cette lutte. Cet homme est un exemple à suivre. Voir un civil au front, c’est porter secours aux personnes en difficultés, tendre la mains aux victimes directes d’acte de violences.

Un village en lambeaux, mais en reconstruction

Des maisons détruites et pillées

Des greniers familiaux pillés, des murs tombés, des portes défoncées, des toits arrachés et des maisons cambriolées sont ce qui reste de Bango. « Quand ils arrivent, la première des choses qu’ils font, c’est de piller le village. Et c’est ce qu’ils ont fait ici », a expliqué le PDS Boureima Ouédraogo à Boukary Diallo. Mais pourquoi il y a un trou derrière les greniers ? Ils n’entrent jamais dans un grenier par la porte. On ne sait pas pourquoi mais ils percent un trou dans le mur pour faire sortir le mil du grenier ou pour y mettre le feu. Certaines maisons d’habitation ont des portes défoncées. Au niveau des latrines, les bandits se contentent de boucher le trou d’évacuation d’eau et le mur finit par céder à la pression de l’eau. Dans notre balade, nous sommes arrivés sous l’arbre à palabre. C’est là que se réunissaient les sages du village pour discuter. A quelques pas, il y a le fétiche du village. Monsieur Diallo fera comprendre que les terroristes, dans leurs manœuvres, évitaient ce lieu à cause de la présence du fétiche. Bango est libre et en reconstruction. L’élevage de volaille et de moutons est la preuve de cette reconstruction. Hommes, femmes et enfants heureux sont sur les lieux avec l’espoir de tout faire pour que ce village redevienne meilleur. Lamartine disait « qu’il est plus facile de détruire que de construire » . Les terroristes ont pris une année et demi pour mettre en péril un village paisible et beau à vivre autrefois. Aujourd’hui, le défi est de survivre dans ce même village car les habitants qui vivaient principalement d’agriculture et d’élevage, n’ont pas pu cultiver et la quasi-totalité des bêtes a été emportée par les malfaiteurs. C’est ce qui a d’ailleurs motivé Boukary Diallo à poser cette action de don. Aussi, ce monsieur au grand cœur a annoncé un autre don plus solide pouvant contribuer encore au retour de plusieurs personnes à Bango.

Inoussa Diallo, Chef infirmier du village de Bango

Le Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) est ouvert sous le contrôle de Inoussa Diallo, Infirmier-chef du village. Cet agent de l’Etat n’est pas un fils de la localité mais est obligé, de par sa fonction, de venir en aide à ses semblables dans son lieu d’affectation. « Bango a une formidable population. J’ai été bien accueilli dans ce village et aujourd’hui, je me sens comme chez moi », a confié Inoussa Diallo qui n’a pas attendu d’être appelé avant de reprendre service dans ce village nouvellement réinstallé. L’engagement de l’infirmier-chef est si séduisant à telle enseigne que peu importe le mal, le bien sera toujours au-dessus. Le CSPS fonctionne normalement et Inoussa Diallo compte sur l’accompagnement constant des autorités afin de continuer à servir cette population.

Quant à l’école, elle sera rouverte très bientôt pour le bonheur des habitants. Fermée depuis 2023 en jetant les élèves et les enseignants dans le désarroi, l’école primaire de Bango construite en 1960, va rouvrir ses portes au profit des élèves.

« Chef,  j’ai vraiment envie de revoir mon bureau »

Dans les échanges avec les Forces de défense et de sécurité, le PDS de la commune Boureima Ouédraogo a manifesté son désir de revoir son bureau à Thiou, situé à une vingtaine de kilomètres de Bango. « Chef, mon bureau me manque. J’ai vraiment envie de le revoir », s’est exprimé monsieur Ouédraogo.

Boureima Ouédraogo, PDS de la commune de Thiou

Au chef de commandement de rétorquer : « Vous retrouverez votre bureau bientôt, s’il plait à Dieu. Nous continuons le travail ». La délégation a encouragé les FDS sur place. Boureima Ouédraogo a saisi l’occasion pour inviter la population de toute la commune à rester unie et solidaire. « La situation est stable à Bango, ça va grâce à la bravoure de nos FDS et VDP. Voir un village de sa commune réinstallé, est une grande joie pour moi. Le plus gros défi est d’arriver à stabiliser la population réinstallée à Bango en lui apportant de l’aide. Ensuite, aller à la reconquête des autres villages », a laissé entendre le Président de la délégation spéciale de la commune de Thiou.

Boukary Diallo retrouve sa maisonnette

La maison d’enfance de Boukary Diallo

Monsieur Diallo est content de retrouver sa maison. « Ici, c’est la maison de ma grand-mère où j’ai grandi. J’ai fait toute mon école primaire ici avant d’aller poursuivre à Ouahigouya », a-t-il expliqué. Il avait presque les larmes aux yeux en observant cette maison. Il a regardé le toit, touché le mur avant de laisser apparaitre une mine de réjouissance. « C’est comme une renaissance. Depuis des années, nous avons quitté notre village. Il a fallu l’engagement du gouvernement et surtout du Président du Faso pour nous voir revenir ici », a-t-il déclaré et d’ajouter que « beaucoup d’hommes sont morts et bien d’autres blessés. Ce sont des martyrs et nous prions pour eux ». Aujourd’hui, si monsieur Diallo peut se tenir devant la porte de cette maison qui l’a vu naitre, contempler la cour et sourire, c’est grâce aux sacrifices de ces hommes qui se sont levés et prendre des armes pour dire non à l’envahissement. C’est pourquoi, il les rend hommage.

Un repas communautaire riche en bénédiction

Le soleil est au zénith à Bango, il est exactement 12 heures 53 minutes quand nous traversons le seuil de la porte de la famille Diallo. Nous tombons à pic sur le repas de midi avec au menu, du tôt à la sauce gombo. Les membres de la délégation se lavent les mains, prennent des tabourets et s’installent autour de la nourriture. Ils ont bien mangé en appréciant la qualité du tô sans oublier de faire des bénédictions. Après le repas, Boukary Diallo a remercié de façon convenable, la femme qui nous a bien accueillis avec ce repas délicieux. « Ça fait longtemps que je n’ai pas mangé du tôt de cette qualité », a apprécié l’un de nous sur la table. Et un autre de rétorquer qu’à Ouagadougou, on ne peut pas avoir un tel tô bien concentré.

Photo de Boukary Diallo avec l’homme le plus vieux de Bango

Non loin de là, un vieux du village est assis devant la porte de sa maison. « C’est l’un de mes grand-pères », a révélé Monsieur Diallo et d’ajouter : « Quand le village a été sommé de quitter les lieux, lui, avait refusé de bouger prétextant qu’il n’a pas mieux ailleurs que son village. Mais nous avons réussi à le faire changer d’avis après plusieurs négociations parce qu’il n’y avait personne pour lui faire à manger. Et vu son âge, il ne pouvait pas le faire lui-même ». Ce vieux de plus de 90 ans a manifesté sa joie de retour sur la terre de ses ancêtres.

Des témoignages qui dévoilent la misère

Abdoul Karim Ganamé, imam de Bango

Le don de deux tonnes de riz est un grand soulagement pour cette population souffrante. Les deux tonnes de riz ont été partagées au grand bonheur des populations. Un ressortissant du village a vendu des plastiques (sachets, gobelets, bouilloires) afin d’avoir de quoi nourrir sa famille. Abdoul Karim Ganamé, imam de Bango, a salué ce don de vivres qu’il a jugé salvateur. « Nous n’avons rien actuellement. Au village, tout a été détruit et les gens souffrent par manque de nourriture. Nous voulons tous repartir mais nous n’avons rien pour l’instant. Si ces types de don se multiplient, nous irons à Bango en attendant la prochaine saison pluvieuse pour pouvoir semer et récolter. Sinon actuellement, nos greniers sont vides et détruits », a témoigné l’imam Ganamé. Plusieurs ressortissants du village veulent repartir sur leur terre natale, mais la réalité liée aux vivres fait défaut. Boukary Diallo a promis d’y revenir mieux organisé avec les filles et fils du village, et bien d’autres partenaires afin de venir en aide aux parents.

Depuis 2016, le Burkina Faso fait face à des attaques terroristes entrainant des déplacements de milliers de populations avec son lot de conséquences (fermeture d’écoles, de CSPS, d’administrations publiques et privées). Mais l’espoir grandit chaque jour avec les nouvelles mesures qui sont prises ces deux dernières années. Avec la diversification du partenariat, le pays s’est mieux équipé en armement. Plusieurs populations regagnent leurs villages et des écoles s’ouvrent au fur et à mesure. Ensemble, les forces de défense et de sécurité et les populations unissent leurs forces dans ce moment crucial et unique de l’histoire de Bango. Ce village symbolise aujourd’hui, la persévérance et la solidarité d’un peuple qui se bat pour l’espoir et l’avenir. Ce courage inspire tout le peuple parce que beaucoup de villages, à l’instar de Bango, se sont réinstallés. Et comme à Bango, il faut se pencher sur certaines difficultés pour pouvoir véritablement soigner les maux qui minent ces villages.

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