Mesures barrières contre la COVID-19 et approvisionnement vivrier de la ville de Ouagadougou : résilience des femmes

 

SAWADOGO Honorine Pegdwendé

Institut des Sciences des Sociétés du Centre National de la Recherche scientifique et technologique de Ouagadougou — INSS/CNRST

 

Introduction

 

Cet article est un document de vulgarisation tiré d’un article scientifique publié en 2023 suite à nos recherches sur les implications des mesures barrières contre la COVID-19 sur l’approvisionnement vivrier de la ville de Ouagadougou, en mettant en exergue l’expérience des femmes.

 

Au Burkina Faso, après le déclenchement de la pandémie, en mars 2020,  des stratégies de riposte à la pandémie ont été mises en place.  Les femmes se sont retrouvées au cœur de cette crise. Le gouvernement a déclaré l’état d’urgence sanitaire, qui impliquait l’interdiction des voyages internationaux, la fermeture des écoles, des restrictions de rassemblements, le confinement temporaire et l’éloignement social, l’hygiène des mains et le port obligatoire des masques. Le maire de Ouagadougou a quant à lui fermé 40 marchés et yaars. La capitale du pays et dix autres villes (Bobo-Dioulasso, Boromo, Hounde, Dédougou, Dano, Kongoussi, Banfora, Sindou, Manga et Zorgho) ayant enregistré des cas de coronavirus ont été placées en quarantaine.  Il est donc important d’analyser les implications de ces mesures barrières sur l’approvisionnement vivrier de la ville de Ouagadougou en mettant en exergue la contribution des femmes commerçantes malgré le contexte complexe.

 

1. Méthodologie

 

Une enquête qualitative et participative a été réalisée dans trois marchés de la ville de Ouagadougou : Marché de Zongona, Nabi-Yaar et Rodwoko. Des entretiens individuels semi-dirigés ont été menés auprès de 27 vendeuses de fruits, légumes et céréales et auprès de 5 consommateurs et 6  consommatrices. Les travaux de terrain ont concerné des enquêtes et des observations directes de septembre à novembre  2021. Deux guides d’entretien ont été élaborés  : l’un à l’adresse des femmes commerçantes de produits alimentaires et l’autre à l’adresse des consommateurs

 

2. Résultats

 

Les résultats de l’étude mettent en exergue l’impact de la pandémie de COVID-19 sur la sécurité alimentaire et le rôle crucial joué par les femmes dans un contexte aussi difficile.

 

2.1. Impact de la crise de sanitaire sur la sécurité alimentaire

 

Il ressort que sept secteurs ont été touchés notamment : une entrave à la mobilité, la fermeture des marchés et l’amputation des budgets familiaux qui ont entraîné la baisse de la production, des transferts des migrants, des importations alimentaires et hausse des prix des denrées alimentaires comme le montre la figure ci-dessous.

 

Impacts de la pandémie de Covid-19 sur la sécurité alimentaire

au Burkina Faso (une synthèse)

 

 

À titre illustratif, il a été observé au niveau national une baisse des stocks de riz, de sucre et de l’huile alimentaire respectivement de 1,3 %, de 2 % et de 11 % entre la semaine du 27 avril au 1er mai 2020 et celle précédente. Cette tendance baissière serait expliquée par l’annulation de certaines commandes et le contingentement des exportations dans certains pays de grande production de riz (Inde, Vietnam) (MINEFID, 2021). Les ménages sont particulièrement sensibles aux augmentations des prix des céréales (FAOb, 2020). Les prix du mil ont fortement augmenté au premier semestre  2020 au Burkina Faso, passant de 16 500 Fcfa en janvier 2020 à 19 500 Fcfa en juillet 2020. De même, les prix du sorgho ont augmenté, passant de 12 000 à 12 500 pendant la même période, rendant cette céréale essentielle beaucoup plus chère pour les ménages burkinabè (FAOb, 2020).

2.2. Stratégies de résilience des femmes

Face aux difficultés d’approvisionnement, certaines femmes ont développé la vente de proximité dans leur quartier.

 

Nous avons connu 3  sites de relocalisation après la fermeture de notre marché. À chaque fois que nous avons été installés quelque part, la police est venue nous déloger. Fatiguée de cette course-poursuite, j’ai préféré rester chez moi pour vendre progressivement aux femmes de mon quartier. Et cela m’a permis non seulement de sauver en partie mon stock de légumes, mais aussi d’avoir de nouveaux clients, surtout dans mon quartier (vendeuse de légumes, 47  ans, marché de Nabi-Yaar).

 

La vente à distance a également été une option qui a permis à des femmes d’écouler leurs produits en attendant le rétablissement de la situation.

 

Durant la période de quarantaine, la clientèle ne pouvant plus venir s’approvisionner au marché, la vente de mes produits s’est essentiellement faite en direction de clients déjà connus à qui j’ai pu assurer l’envoi des marchandises contre paiement via Orange Money. J’ai travaillé avec le fils d’un voisin qui a un tricycle, dont l’activité consistait en transport de matériels à l’intérieur de la ville. Ce dernier s’est retrouvé en sous-emploi en raison de la réduction de la mobilité des populations. C’est ce jeune qui est devenu mon livreur (vendeuse de légumes, 43 ans, marché de Zongona).

 

L’implication des enfants dans le commerce a été bénéfique pour certaines mères.

Vu que les classes sont fermées, j’ai impliqué tous mes enfants, une fille et deux garçons dans la vente des masques sur les grandes voies de Ouagadougou. Ils sont rémunérés, moi également, ce qui nous a permis de tenir jusqu’au rétablissement de la situation. Nous sommes dans le secteur informel, mon époux et moi, donc cette situation nous a amenés à développer des initiatives. Mon époux vend la friperie à Nabi-Yaar, mais pendant la fermeture du marché, il faisait du porte-à-porte pour présenter ses produits aux ménages  (vendeuse de poisson sec, 49 ans, Nabi-Yaar).

 

L’utilisation des réseaux sociaux a également été un atout.

Ma fille qui fait l’Université m’a proposé de publier mes produits sur sa page Facebook. De nombreuses personnes intéressées, notamment les femmes qui vendent l’attiéké dans leur restaurant, nous contactent et les amies de ma fille nous aident pour la livraison. Cela m’a permis de vendre mon attiéké et de ne pas craindre les frais de

scolarité à la réouverture des établissements scolaires (grossiste d’attiéké, 51 ans, Rood-Wooko).

 

Conclusion

 

La Covid-19 a impacté négativement tant l’accès physique, par les mesures restrictives du confinement, qu’économique, par la baisse du pouvoir d’achat, des produits vivriers. Or, On sait depuis Amartya Sen (1999) que la vraie question n’est pas la disponibilité de la nourriture, mais son accès effectif pour chaque famille. Si elle manque de moyens pour acquérir la nourriture, la présence de celle-ci sur le marché ne sera pas une grande consolation (elle suscitera même une frustration). Les difficultés d’approvisionnement des marchés locaux rencontrées pour certains produits importés devraient constituer une opportunité pour développer davantage la production vivrière locale. Il est de ce fait nécessaire de faire évoluer les systèmes agricoles et alimentaires en valorisant en priorité les ressources domestiques pour couvrir les besoins locaux de toutes les catégories de population.

Bibliographie

FAO, (2020), WFP Covid-19: Situation Report, #02. 2 p.

Ministère de l’Économie, des Finances et du Développement (MINEFID), (2021), Étude d’impacts socio-économiques de la Covid-19 au Burkina Faso.

SEN, A., (1999), Development as Freedom, Knopf, New York.

SAWADOGO, H. P., (2023), « L’approvisionnement vivrier de Ouagadougou: récits de femmes à l’épreuve des mesures contre la Covid-19 >», Afrique contemporaine, Vol. 1, N° 275, pp. 57-73, DOI: https://doi.org/10.3917/afco1.275.0057

 

Cet article de vulgarisation est tiré de l’article scientifique intitulé : L’approvisionnement vivrier de Ouagadougou : récits de femmes à l’épreuve des mesures contre la Covid-19

 

Auteur: Honorine P. Sawadogo

Institut des Sciences des Sociétés du Centre National de la Recherche scientifique et technologique de Ouagadougou — INSS/CNRST

 

Revue Afrique contemporaine, Éditions Association Nouvelle Afrique contemporaine, Vol.1, No275, pp.57-73. Avril 2023, ISSN 0002-0478, DOI : https://doi.org/10.3917/afco1.275.0057.

 

 

 

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