Ils n’ont jamais imaginé devenir ministre et les voilà au gouvernement. Onze membres de la société civile ont été choisis par Emmanuel Macron pour assumer des fonctions à la tête de l’Etat, comme Laura Flessel, championne d’escrime, François Nyssen, issue du monde de l’édition ou encore la médecin Agnès Buzyn.
Si le chef de l’Etat avait fait une priorité de la nomination de personnes étrangères à la politique, le procédé n’est pourtant pas novateur. A chaque nouveau gouvernement, les ministres étrangers à la politique doivent plonger dans le grand bain et apprendre sur le tas les codes en vigueur dans le milieu.
« Je me suis sentie capable de le faire, alors j’ai accepté »
Aujourd’hui adjointe à la mairie de Paris, Dominique Versini était présidente du Samu social lorsqu’on lui a proposé de devenir secrétaire d’Etat, chargée de la lutte contre la précarité et l’exclusion. « J’étais en pleine réunion associative quand Jean-Pierre Raffarin m’a appelée. Je suis allée dehors sur le trottoir, j’ai dû lui re-demander en quoi consistait le poste qu’il me proposait. Il m’a dit : « Vous ferez la même chose qu’au Samu social mais à l’échelle nationale ». Je me suis sentie capable de le faire, alors j’ai accepté. » Quelques minutes plus tard, Dominique Versini apprenait sa nomination officielle grâce à la radio de son taxi.
Du jour au lendemain, sa vie change. Le lendemain, elle reçoit l’appel d’un agent de sécurité. « Il était chargé de venir vérifier la sécurité de mon immeuble. » Difficile aussi de se constituer une équipe. « Je ne savais pas qui nommer dans mon cabinet, que ce soit le directeur, le chef ou les collaborateurs », confie-t-elle.
Un coup de téléphone en salle d’opération
« Evidemment, ce ne sont pas eux qui composent leurs cabinets. On leur dit qui mettre. Les noms viennent de Matignon ou de l’Elysée. Ce sont des gens que l’on connaît bien et qui ont déjà travaillé pour quelqu’un d’autre avant », explique Jean-Michel Eymeri-Douzans, professeur à l’Institut d’études politiques (IEP) de Toulouse et co-auteur du Règne des entourages.
Parfois, l’équipe en place reste partiellement la même. En 1984, à l’âge de 44 ans, Alain Calmat, ancien champion de patinage artistique et médecin, reçoit un appel alors qu’il était en train de travailler au bloc opératoire de l’hôpital de Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Il devient alors ministre de la Jeunesse et des sports. « Quand je suis arrivé, ma prédecesseure, Edwige Avice, m’a proposé de garder une partie de son ministère, puisque nous étions de la même mouvance politique. C’était au moment de remplacement de Pierre Mauroy par Laurent Fabius. »
Sa première mission : prolonger le travail de sa prédécesseure. « La loi relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives avait été promulguée le 16 juillet 1984. J’ai pris mes fonctions le 22. J’ai fait en sorte que cette loi soit bien appliquée. »
Au départ, les premiers couacs
Il entre alors dans un monde dont il ignorait tous les détails. « J’ai été très surpris par exemple de voir l’attachement de mon équipe aux sujets qu’ils traitaient. Ce ne sont vraiment pas des fonctionnaires au sens administratif du terme. » Dominique Versini, elle, se souvient de ses premiers ratés. « A chaque première fois, je me suis faite avoir par naïveté car j’avais face à moi des gens avec une longue expérience et de solides contacts dans le milieu. Mais ensuite, à chaque deuxième fois, je savais comment arriver à mes fins. »
Elle cite par exemple le décret d’attribution, qui précise quelle tâche incombera au ministère ou non. « Il vous faut absolument les bonnes attributions pour pouvoir faire correctement votre travail. » Elle dit avoir « appris à oser ».
Tous deux ont visiblement vite pris le pli, puisqu’ils ont continué leur carrière dans le milieu politique. Alain Calmat est devenu député du Cher puis député de Seine-Saint-Denis. Dominique Versini, elle, est aujourd’hui adjointe à la mairie de Paris.
Leur conseil pour les nouveaux ministres sans expérience en politique :
- Alain Calmat : « il est essentiel de bien s’entourer, de faire ce qu’on sait faire et de ne pas se laisser avoir par les ors de la République. »
- Dominique Versini : « Nous, les ministres de la société civile, nous sommes forts sur le terrain. Nous avons une aisance naturelle que les autres n’ont pas et il faut en profiter. »
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