Problématique d’employabilité des jeunes: Et si on réhabilitait les CFJA ?

Les Centres de Formations des Jeunes Agriculteurs CFJA jadis ont été bénéfiques dans les milieux ruraux. Bon nombre de jeunes, après quelques années de formations sont repartis chez eux avec des connaissances en maitrise de la terre et de l’élevage dans la Boucle du Mouhoun. Certains après leur transfert dans les écoles classiques sont de nos jours dans la fonction publique. Plus d’une vingtaine d’années après le déclin de ce système, nous sommes allés à la rencontre de certains acteurs en octobre et novembre 2016 pour en savoir sur l’apport du système dans la localité.

« Former rapidement en trois ans en technique agricole des jeunes qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école classique , afin qu’ils puissent se retourner moderniser leur milieu rural et appliquer les techniques modernes d’agriculture ». Tel était l’objectif de la Formation des Jeunes Agriculteurs (FJA) à sa naissance avant d’être plus tard rénové avec l’introduction des langues nationales.

L’école n’étant pas partout, le système a consisté à ouvrir ces centres là où il n’y avait pas d’écoles pour pallier à cette insuffisance. Il aura duré trois décennies et ses avantages ont permis à bon nombre de jeunes de la région de se faire une place au soleil en ouvrant sans doute d’autres horizons à certains, avant de connaitre son déclin. Dans la Boucle du Mouhoun certains centres fonctionnaient avec un effectif de la soixantaine de jeunes à l’époque. A l’issue de ces 3 ans, ces jeunes sortaient avec la maitrise incontestable de terre et de l’élevage.

« Un apport indéniable dans le milieu rural dans la région de la Boucle du Mouhoun »

Bakary Dayo ancien élève CFJA est le président du Comité Villageois de Développement (CVD) de Karo. Il dit devoir l’occupation de ce poste grâce à cette formation de même que certains de ses camarades dans le village. Car selon lui, en plus d’avoir appris la maitrise des techniques agricoles, il a appris à écrire et à lire les langues nationales et le Français. «Quand nous sommes rentrés au village certains ont occupé des postes comme celui de secrétaire dans les bureaux des groupements. Après quelques années nous avons aussi formé des jeunes aux techniques agricoles » a-t-il témoigné. Pour Bakary Dayo, l’un des apports dans la maitrise des techniques agricoles était l’épandage des intrants, en passant par l’usage des herbicides qui est un peu nouveau pour certains de nos jours, mais eux ont eu la chance d’apprendre. « Jusqu’à preuve du contraire, ceux qui ont fait cette formation font aujourd’hui de bon rendement par rapport aux autres ».

« Avant que les jeunes aillent se former dans les CFJA, les semis étaient fait en désordre mais à l’issue de la formation le travail était ordonné ». Comme le témoigne Yacouba Dayo un ancien du village de Karo pour lui, la FJA a apporté une grande évolution dans le développement du village. Il confie que ce sont ces anciens élèves qui assurent de nos jours le secrétariat et la comptabilité surtout lors de la vente du coton.

 

« La FJA c’était le service qu’il ne fallait pas laisser mourir ». Nous dit Jean Claude Milogo un formateur des jeunes agriculteurs à la retraite. « La preuve en est que de nos jours dans les villages où il y a eu des CFJA, les grands producteurs et paysans leaders que vous allez trouver, sont des anciens élèves du FJA. Certains ont été inscrits par la suite dans les écoles primaires et la plupart sont aujourd’hui dans beaucoup de corps comme la police, la gendarmerie, l’enseignement etc. » a-t-il expliqué. Pour lui, grâce à la FJA la culture du coton, les céréales, les autres cultures de rentes sésame, arachide, la maraîchère culture sont maitrisées de nos jours. « La FJA c’est la théorie plus la pratique donc la maitrise de la formation est obligatoire pour celui qui reçoit la formation ».

René Vinboué, un conseiller FJA à la retraite, dit retenir du système FJA, un système qui a fait beaucoup pour le milieu rural de son point de vu. A l’entendre, il y a eu un apport indéniable dans la Boucle du Mouhoun. Selon lui, les membres dirigeants de nombreux groupements villageois étaient pratiquement tous ceux qui étaient issus du système FJA.

«  L’Etat doit aussi comprendre qu’aujourd’hui l’école classique ne donne plus droit à l’emploi, et que la richesse d’un pays c’est son agriculture et son élevage ».

Cette formation de jeunes agriculteurs va connaitre entre temps une diminution de son effectif dans les CFJA d’une façon drastique à partir des années 1980 -90. En effet, les facteurs de cette diminution étaient entre autres le «désir de tous les parents qui ne voulaient pas voir leur enfants devenir agriculteurs comme eux mais fonctionnaires » ; «  les écoles aussi se multipliaient donc les gens ne voyaient plus la nécessité d’envoyer les enfants dans les CFJA ».

Selon le conseiller FJA à la retraite Réné Vinboué, les centres FJA ont commencé à péricliter sous la révolution avec l’opération d’alphabétisation. Les formateurs étaient mobilisés pour faire l’alphabétisation des masses, c’était une bonne chose mais au détriment des CFJA qui étaient abandonnés. A la question de savoir si la réhabilitation de ces centres n’allaient pas pallier ces questions de chômage des jeunes, Réné Vinboué a confié que « Pour un système qui a commencé et qui a eu son apogée, c’est vraiment difficile il faut peut-être imaginer autre chose ».

 

« Nous dépendons tous du monde paysan et ce monde paysan, il faut lui donner les moyens.   L’état doit aussi comprendre qu’aujourd’hui l’école classique ne donne plus droit à l’emploi, et si l’école ne donne pas droit à l’emploi, il faut que ces CFJA qu’on a fermé prématurément qu’on y revienne. Parce que si on n’y revient pas un jour nous allons chercher. L’enfant, il fait 3 ans, il sort après les années, il a la maitrise de la terre et de l’élevage hors aujourd’hui la richesse d’un pays c’est son agriculture et son élevage » a indiqué Jean Claude Milogo. Pour lui, les CFJA peuvent bien être réhabilités mais cela est une question politique et cela dépend de l’état. « Si on réhabilite ces écoles-là, elles peuvent servir de centre pilote de formation pour le monde paysan, ce ne serait plus les enfants qu’on va envoyer mais les adultes qu’on va prendre pour former sur tous les domaines de l’agriculture parce que de  nos jours même les adultes ont besoin d’une formation conséquente » a-t-il laissé entendre.

« Si la FJA venait à être réhabilitée, cela allait être beaucoup plus bénéfique pour les jeunes et cela va contribuer à lutter contre le chômage » foi de Bakary Dayo ancien élève CFJA de Karo.

 

Bien que cette formation ne soit plus d’actualité, on peut retenir de l’existence de patrimoines dans les villages. Certains de ces bâtiments de nos jours sont occupés pour des séances d’alphabétisation ce qui est salutaire à défaut de l’objectif de départ, mais d’autres bâtiments sont laissés à la merci des reptiles et d’autres animaux qui y trouvent refuge. Ce patrimoine peut être mis à la disposition du ministère en charge de l’emploi et de la jeunesse pour trouver une formule afin de pallier à la problématiquede l’employabilité au Burkina.

 

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