Pourquoi les Colombiens ont voté “non” à l’accord de paix avec les Farc

BOGOTA, COLOMBIA - OCTOBER 02: 'No' supporters gather at a rally following their victory in the referendum on a peace accord to end the 52-year-old guerrilla war between the FARC and the state on October 2, 2016 in Bogota, Colombia. The guerrilla war is the longest-running armed conflict in the Americas and has left 220,000 dead. The plan called for a disarmament and re-integration of most of the estimated 7,000 FARC fighters. Colombians have voted to reject the peace deal in a very close vote. Mario Tama/Getty Images/AFP

 Il s’agissait de mettre fin à 52 ans de conflit, entre le gouvernement colombien et la guérilla des Farc. Et à la surprise générale les Colombiens ont dit “non” à l’accord de paix avec les Farc dimanche 2 octobre, lors du référendum non-obligatoire proposé par le président Juan Manuel Santos. Une défaite qui s’est jouée à 60.000 voix près, mais qui témoigne de la défiance d’une partie de la population à l’égard des relations entre le gouvernement et les membres de la guérilla.

Les arguments de l’ancien président et sénateur Álvaro Uribe auront donc été entendus. Lors de son mandat, de 2002 à 2010, le président issu du parti du Centre Démocratique s’était notamment distingué par sa lutte acharnée contre les Farc. Et depuis le début des négociations pour l’accord de paix en 2012, il n’a cessé d’œuvrer pour que l’accord soit le plus sévère possible envers ses ennemis de toujours, devenant ainsi le leader du mouvement d’opposition.

Les partisans du “non” dénonce le “laxisme” du gouvernement

En 52 ans, le conflit aura fait 260.000 tués, 45.000 disparus et 6,9 millions de déplacés. Des chiffres qui ont pesé dans la campagne du “non”, où Uribe et ses partisans dénonçaient “l’impunité” accordée aux membres de l’organisation Farc, accusés de crimes graves.

“Moi, je suis d’accord pour donner une deuxième opportunité, mais pas pour l’impunité”, s’exclame Monica Gonzalez, interrogée par l’AFP. Cette femme de 36 ans n’a pas oublié que la guérilla marxiste a assassiné sa grand-mère en 2011, dans le département de César, au nord-est du pays. A la même époque, les Farc avaient également enlevé ses oncles. C’est pourquoi elle a rejeté cet accord historique, notamment parce qu’il prévoyait des peines alternatives à la prison pour les guérilleros avouant leurs crimes.

“Des paramilitaires m’ont arrêté, ils m’ont pris tout ce que j’avais, j’ai eu peur et j’ai fui pour venir à Medellin, c’était il y a deux ans. Là-bas il y a beaucoup de violence, de chômage, donc on vient ici à la ville pour survivre. Pourquoi j’ai voté NON ? Les FARC veulent qu’on vote OUI mais moi, pour pardonner, je veux d’abord avoir la preuve qu’ils rendent toutes leurs armes. Et pas qu’on vote d’abord et qu’ils les remettent ensuite”, renchérit Giovani Caicedo, interrogé par RFI.

Les partisans de l’opposition dénonçaient également la participation des guérilleros démobilisés à la vie politique, craignant un “castro-chavisme” inspiré des régimes cubain et vénézuélien. La signature des accords à La Havane, et non sur le sol colombien, avait également fait grincer des dents. “Les accords se négocient en Colombie et pas à La Havane!” pouvait-on ainsi entendre dans les centres des partisans du non, comme l’indique l’AFP.

L’opposition demande “un grand pacte national”

Alvaro Uribe a de son côté réclamé un “grand pacte national”. Quelques heures après l’annonce des résultats, il a en effet déclaré qu’il “nous semble fondamental qu’au nom de la paix, ne soient pas mises en danger les valeurs qui la rendent possible” depuis sa propriété située à Rionegro, dans le nord-ouest de la Colombie.

“La réconciliation continue mais en suivant les principes d’une société saine, pas en offrant le pays à 7000 bandits et à la vanité de Santos”, a déclaré à l’AFP la députée du Centre démocratique, Maria Fernanda Cabal, connue pour ses positions radicales envers les Farc, qui comptent en fait aujourd’hui 5765 combattants.

Pour certains analystes toutefois, l’abstention reste le grand vainqueur de ce référendum, avec une participation de seulement 37,28%. “L’abstention a gagné et le pays a perdu”, a déclaré à l’AFP Kirsty Brimelow, avocate britannique et directrice du Bar Human Rights Committee, facilitatrice dans les pourparlers. “Cela ressemble à un Brexit”, a-t-elle ajouté en référence au référendum sur la sortie de l’Union européenne, qui a entraîné une crise politique en Grande-Bretagne.

Vers une possible renégociation de l’accord?

Alors que la victoire du “non” se profilait, le chef des Farc Timochenko a malgré tout annoncé son intention de poursuivre sur sa lancée. Il a ainsi annoncé que la guérilla maintenait “sa volonté de paix” et sa “disposition à ne faire usage que de la parole comme arme de construction de l’avenir”. “Au peuple colombien qui rêve de paix, qu’il compte sur nous: la paix l’emportera”, a-t-il insisté. Une attitude similaire à celle du président Santos, qui a déclaré qu’il “ne se rendrait pas et continuerait à rechercher la paix”. Il a également indiqué que le cessez-le-feu bilatéral et définitif, observé depuis le 29 août, restait en vigueur.

Contrairement à ce qui avait été initialement annoncé, les représentants du gouvernement et des Farc devraient donc se rencontrer ce lundi, afin de discuter des possibilités d’avenir de l’accord de paix. Après l’annonce des résultats, le président Santos a ainsi annoncé qu’il rencontrerait “toutes les forces politiques – et en particulier celles qui se sont manifestées aujourd’hui pour le Non – afin de les écouter, d’ouvrir des espaces de dialogue et décider du chemin à suivre”.

De son côté, la Norvège, l’un des deux pays “garants” de l’accord, s’est dite “très déçue” par les résultats du référendum. “Cinquante-deux ans de conflit armé en Colombie devaient prendre fin (…) Qu’une petite minorité, la plus petite qui soit, dise non doit bien sûr être pris en compte et nous devons bâtir là-dessus dans les jours qui viennent pour voir s’il existe des solutions pour sauver la paix en Colombie”, a déclaré le chef de la diplomatie norvégienne, Børge Brende, à la radio NRK. La France a également exprimé “son plein soutien” au président colombien.

AFP

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