Tahirou Barry

Beaucoup l’ont découvert le 1er juillet 2010 lorsqu’il prêtait serment en qualité de président du PAREN (Parti de la renaissance nationale). Or, ce jeune juriste de 38 ans né à Gagnoa en Côte d’Ivoire, peu bavard et même très timide, s’est lentement et discrètement forgé une expérience et une carrure d’homme politique depuis septembre 1999, date de création du parti qu’il dirige. Premier candidat déclaré pour l’élection présidentielle de 2015, Tahirou Barry se présente comme le candidat de la jeunesse. Mais, qui est-il au juste ? Décryptage !

Alors étudiant en droit à l’université de Ouagadougou, Tahirou découvre avec admiration Laurent BADO, son enseignant en droit constitutionnel dès sa première année. Depuis lors, il apprend discrètement à l’ombre de Laurent BADO qui fut son conseiller lorsqu’il était le rédacteur en chef du journal « Le juriste » de la faculté de droit. Même son mémoire de maitrise sur le thème du « Contrôle de la liberté de l’information » fut encadré par Laurent BADO face à « la négligence » de son directeur de mémoire. Séduit par les idées que son professeur développait à l’occasion de ses cours, il n’hésite pas un seul instant à créer en compagnie d’autres camarades une cellule estudiantine pour soutenir le PAREN dès qu’il apprit à la télévision nationale ivoirienne la naissance du PAREN au moment où il était en vacances en Côte d’Ivoire.

Après avoir créé la cellule estudiantine du PAREN dont il fut le Secrétaire Général en 1999, Tahirou intègre le Bureau exécutif national du parti en octobre 2002 en qualité de Secrétaire adjoint chargé des relations extérieures. Il fut ensuite Secrétaire adjoint chargé des questions juridiques et électorales en 2006. Il sera titularisé dans le même poste en 2008 avant d’être élu président du Parti le 1er juillet 2010 au cours d’un congrès extraordinaire.

Tahirou dérange régulièrement…

Depuis qu’il dirige le PAREN, le jeune président dérange régulièrement le régime de la 4e république. Déjà en avril 2011, au meeting de l’opposition appelant Blaise COMPAORE à dégager du pouvoir, il est le premier des 5 leaders politiques à prendre la parole pour dénoncer la fracture sociale, comme seul héritage du régime COMPAORE. En octobre 2012, il appelle le premier ministre Luc Adolphe TIOA à démissionner pour avoir « usé et abusé des moyens de l’Etat pour mener une campagne électorale déguisée et anticipée ». Après l’adoption du sénat le 21 mai 2013, il dénonce deux jours plus tard « l’entêtement bovin du régime de la IVe république à aller contre la volonté du peuple ». En août 2013, il appelle le peuple à se préparer à la désobéissance civile pour contraindre le pouvoir à renoncer au Sénat. Le 14 novembre 2013 lors de la rencontre des leaders de l’opposition avec le Chef de l’Etat, il n’a pas hésité à attirer l’attention du président sur l’inefficacité de sa politique d’emploi et la détresse de la jeunesse du Faso.

Son esprit critique avait déjà surgi quand il était encore lycéen et ce fut le ministre des sports en tournée d’explication des forces vives du bien-fondé de l’organisation par le Burkina de la CAN 98 qui fut le premier à s’en rendre compte. Après s’être infiltré à la salle de réunion sans y être invité, il sème le trouble dans l’assistance en étant la seule voix discordante à dénoncer « la folie du Burkina à injecter des milliards dans un jeu au moment où l’immense majorité de la population croupit dans la misère ». Son interpellation lui valut une sévère mise en garde par une autorité politique de la région après la rencontre sur ce qu’elle a considéré comme une impertinence.

Assumer des responsabilités très tôt

Son enfance fut heureuse jusqu’au jour où son père perdit son emploi. Ce fut le début des incertitudes et des privations. Ces épreuves l’ont marqué de façon indélébile et même changé sa vision des relations humaines. « Nul ne peut tendre la main à celui qui a perdu tout espoir si l’on a jamais douté », dit- t- il.
Dès le lycée Bafuji de Gaoua, il apprit à assumer des responsabilités en tant que délégué de classe de la seconde jusqu’en terminale, membre du bureau du lycée et dirigeant de l’Association des élèves et étudiants musulmans du Conseil Général du Poni pendant plusieurs années.

Avec un brillant parcours scolaire, il bénéficie de la bourse au lycée et à l’université jusqu’à la fin de ses études. Bien qu’occupant régulièrement le 1er rang des classes qu’il parcourait, il trébuche en classe de 2è C en raison de ses graves négligences des matières scientifiques. Il dût sauver ses études en effectuant un transfert dans la filière littéraire après son redoublement.

Du rêve de journaliste à la réalité de juriste

Au plan professionnel, Tahirou rêvait depuis son lycée d’embrasser la carrière de journaliste ou d’enseignant de philosophie. Déjà, dès sa classe de seconde, il fut successivement chroniqueur sportif à Radio Gaoua puis à Radio Canal Arc en Ciel Ouaga après son admission au BAC et rédacteur en chef du journal de sa faculté en droit pendant deux ans. Mais son destin n’était ni dans le journalisme ni dans la philosophie. Il se rappelle amèrement le rejet de sa demande de stage à la TNB en 1998 alors qu’il espérait se forger profondément dans ce qui le passionnait.

Il fut plutôt recruté à la Fonction publique en qualité de juriste à l’issue d’un test avec des amis comme VIGNIGBE Adama, ex Secrétaire Général de la Fonction publique, SANGO Abdoul Karim aujourd’hui enseignant permanant à l’ENAM. A 29 ans, Tahirou est nommé par le professeur Joseph PARE en qualité de Directeur des ressources humaines de l’Université de Ouagadougou, fonction qu’il exerce pendant trois ans avec plus tard le professeur Odile NACOULMA comme présidente de l’Université avant de s’engager dans le secteur minier où il occupe actuellement la fonction de Chef de personnel.

Enseignant vacataire à l’ENAM

Marié depuis 2003 avec une femme mossi du Ganzourgou qu’il a rencontré dans l’association religieuse AEEMB, titulaire d’un diplôme de maitrise en droit et d’un DESS en Management des Ressources Humaines, infatigable travailleur, il exerce, en plus de ses charges professionnelles depuis 2003 à nos jours, des fonctions d’enseignant vacataire à l’ENAM.

Ceux qui l’ont côtoyé ont gardé de lui l’image d’un homme effacé, franc et intraitable quand il s’agit de défendre une cause. Il y a cette anecdote à l’université qui circule toujours. En effet, dès sa prise de fonction comme Directeur des Ressources Humaines, il n’hésite pas à travers une note d’étude d’interpeller le président de l’Université sur l’irrégularité de sa note de service invitant le personnel administratif de l’université à bénéficier des congés trimestriels au même titre que le personnel enseignant.

Cette note qui s’est retrouvée malencontreusement entre les mains des employés a suscité une vive réaction de l’ensemble des travailleurs. A partir de cette expérience, il comprit que sa tâche s’annonçait très difficile dans un environnement déjà hostile.

Tahirou a très peu de temps pour ses loisirs préférés que sont le sport et la musique même s’il avoue ni aimer, ni savoir danser. Qu’à cela ne tienne, il est le producteur de l’artiste musicien MYS en 2009 qui obtint deux prix aux Kundé 2009. Aujourd’hui encore, il n’hésite pas à inviter des artistes de renom comme Wendy, Dicko fils, Sissao à ses multiples activités.
Il ne laisse pas les chancelleries occidentales indifférentes
Avec un suffrage exprimé aux élections de 2012 de 26 ooo voix à l’échelle national et 10 700 au Kadiogo (une meilleure performance qu’en 2007), son parti a perdu son seul siège à l’Assemblée Nationale. Il n’a plus qu’une trentaine de conseillers municipaux répartis dans six régions. Bien qu’étant son meilleur résultat des municipaux depuis sa création en 1999, les résultats du PAREN inquiètent les militants. Pour le président, le PAREN a beaucoup souffert surtout des trois démissions consécutives de l’assemblée nationale. « On ne peut pas subitement retrouver son équilibre après avoir reçu un coup de poignard dans le dos », dit-il. A cette raison, il ajoute « l’environnement électoral verrouillé et miné par la fraude, le clientélisme, l’instrumentalisation de l’appareil d’état et la corruption ».

Malgré toutes ces difficultés, Tahirou BARRY ne laisse pas les chancelleries occidentales indifférentes. Invité officiel des fêtes nationales de France et des USA par leurs ambassades depuis trois ans, il a même été le représentant du Burkina aux USA en mars dernier dans le cadre du programme des jeunes leaders sous le thème de la démocratie en action. Ce voyage dans quatre Etats américains lui a ouvert les portes du congrès, du département d’Etat Américain et de la maison blanche où il a rencontré d’importantes personnalités politiques de ce pays.
Une candidature qui transcende le PAREN
Quant à son investiture par le PAREN aux présidentielles de 2015 par le port symbolique de l’écharpe effectué par le fondateur Laurent BADO, le candidat investi s’est voulu clair : « J’ai tout simplement répondu à un appel de mon parti par devoir et au nom de la jeunesse qui souffre, qui est toujours instrumentalisée, humiliée et trahie par des vendeurs d’illusions politiques. Il y a de nombreux jeunes ayant plus de mérite que moi mais qui sont confinés dans de simples rôles de coursiers ou d’organisateur de meeting sans autres possibilités de faire valoir leur leadership au sein de leur organisation. Je voudrais que ma candidature sous réserve de la candidature unique de l’opposition, transcende le caractère partisan du PAREN pour embrasser la jeunesse consciente de tous les horizons qui cherchent désespérément à se faire entendre et à faire valoir leurs riches potentialités. Ensemble, nous nous affirmerons courageusement dans la dignité avec une ferme volonté de faire triompher nos idéaux quelle que soit l’adversité ».
Le renoncement à la facilité
Le PAREN est actuellement en pleine restructuration mais la tâche du jeune président est très ardue dans un contexte où les moyens influencent grandement les choix politiques. Mais selon Tahirou BARRY, c’est dans le non sens de notre démocratie que nous devons trouver un sens à notre engagement politique. Ce grand admirateur de Thomas SANKARA et de Che GUEVARA estime que militer dans un parti d’opposition comme le PAREN, c’est renoncer à la facilité, c’est choisir le sursaut face à la résignation, l’espoir face au doute. A-t-il des moments de découragement ? « Il m’arrive souvent, au fond de mon lit, de traverser des moments de grande solitude quand je suis abandonné par des amis que j’admirais, quand je suis trahi par des collaborateurs en qui je faisais confiance, quand je sens l’éloignement des gens vertueux et de grande foi, ceux-là même qui devraient être au cœur du combat pour une société plus juste, intègre et démocratique. Mais je me refugie dans la prière car c’est elle qui me donne l’énergie chaque jour pour gravir la colline. La vie, c’est souffrir sans démissionner. Je considère que l’engagement politique est un sacrifice au service d’une cause élevée. On ne doit pas s’attendre à une quelconque récompense ou rémunération comme si on exerçait un emploi », explique-t-il.

L’autre difficulté du jeune président réside dans la conciliation entre ses charges familiales et la politique. « C’est très difficile. La politique m’épuise dans tous les sens. Je n’ai plus le temps pour ma famille, mes amis et moi-même. Beaucoup d’évènements sociaux se passent sans ma présence et cela me peine énormément. Mais, je n’ai vraiment pas le choix. Quand je m’engage pour une cause, je m’y consacre à fond. Contrairement à l’idée très répandue sur la politique, je ne suis pas en politique pour assouvir des intérêts personnels. Je pouvais avec les revenus mensuels que le seigneur met à ma disposition, vivre aisément, tranquillement avec ma famille et m’adonner à mes loisirs. Mais cela ne sera qu’une lâche démission car on ne peut pas séparer son destin de celui de son pays. Celui qui connaît la vraie réalité du Burkina ne peut plus rester indifférent sur la conduite des affaires publiques sauf s’il est guidé par des bas intérêts égoïstes », conclut-il.

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