“Tous les maux que traverse le BF, sont dus à son manque d’humilité” , dixit Ombr Blanch

 

C’est un artiste slameur burkinabè et de toute l’Afrique. Après plusieurs voyages pour des compétitions, il a remporté divers prix dans le domaine du slam. Il s’exerce aussi dans le domaine de productions audio-visuelles, évènementielles et autres. Apollinaire Ped-wendé Ouédraogo allias « Ombr Blanch » puis que c’est de lui qu’il s’agit, nous parle des compétitions auxquelles il a participé en Europe et de son projet, avant de se prononcer sur la situation politique de son pays (le Burkina Faso). Lisez plutôt les échanges au cours d’une interview réalisée par une équipe de Faso-Actu !

Faso-Actu (F-A): Bonjour « ombr blanch »! Combien d’albums avez-vous à votre actif ?

Ombr Blanch (O.B) : Bonjour ! J’ai à mon actif deux albums notamment, « Existence spirituelle » sorti en 2009 et « Polarisateur volume 1 » sorti en 2018.

F-A : Parlez-nous un peu des prix que vous avez reçus.

O.B : Il s’agit de la coupe du slam francophone de Reims dénommé “le slam sur la langue“ . Chaque année, il y a une compétition et cette année nous avons eu en demi-finale, l’équipe de Charles le roi de Belgique, l’équipe de France, l’équipe pirate et, on a eu l’équipe africaine qui, notamment, a pu remporter le trophée. C’était en juin dernier (2019) lors de la septième édition du festival du slam francophone et c’est un trophée par équipe. En 2015, je prenais part pour la première fois à la coupe du monde francophone du slam dans la ville du Mans où je suis sorti en demi-finale. De là, on m’a fait une proposition, une semaine plus tard, d’aller à Reims où se tenait une compétition mensuelle qui réunissait tous les slameurs de l’Europe mais aussi du monde. C’était en mars 2015, nous étions plus de trente à prendre part à cette compétition où je suis sorti premier. De là-bas, on m’a fait la proposition d’aller conquérir avec d’autres slameurs, avec une équipe africaine, le micro de bois de Paris parce que c’est comme une ceinture. C’est dire qu’il n’y a pas de date pour compétir et prendre le micro de bois. Et tu peux décider de le mettre en jeu ou le garder. Mais l’équipe concernée avait voulu le remettre en jeu. Il faut dire que ça été une porte d’ouverture parce que j’étais le slameur du mois de Reims, donc on a jugé que j’avais droit à une équipe et j’étais avec deux autres personnes. Tous les trois, nous avons remporté le micro de bois en avril 2015 après près de 6 heures de compétition.

F-AÇa fait beaucoup de voyages, beaucoup de trophées. Cependant la musique, nourrit-elle son homme ?

O.B : Moi à travers mes multiples voyages, que ça soit en Afrique, parce que j’ai beaucoup voyagé en Afrique avant d’aller en Europe, aux Etats-Unis, au Canada, j’ai vu qu’il y a beaucoup qui vendaient déjà pas mal leur musique. En Europe, aux Etats-Unis et au Canada, j’ai réussi à faire pas mal de trucs et j’ai vu que ça rapportait. C’est vrai qu’en ce moment, je ne peux pas dire que c’est comme on veut, mais déjà, ça me permet de vivre et on espère mille fois mieux parce qu’on a vu des artistes célèbres qui ont des cachets à des millions où si tu dois le faire venir, il faut débourser 120 millions et on se dit pourquoi pas nous, des artistes burkinabè. Donc, on aspire à plus sinon qu’il n’y a pas de problème à ce que la musique ne nourrisse pas son homme.

F-A : Que faites vous autre que la musique ?

O.B : C’est toujours lié à la musique. J’ai un label de production que j’ai crée pour accompagner la musique et la vendre au-delà du Burkina, et surtout du continent parce que c’est une chaîne. Nous faisons la production audio visuelle, l’évènementiel, la communication, nous faisons aussi l’imprimerie. On a aussi un restaurant scène pour les lives, et une salle de répétition. L’idée, c’est de créer un coin professionnel qui pourra compétir à l’échelle internationale, positionner des artistes surtout burkinabè à l’échelle internationale parce qu’on ne signe pas que des burkinabè. C’est vraiment, créer un grand réseau pour surtout vendre la musique africaine. Créer des supers stars du Burkina, c’est aussi l’un de nos défis.

F-A : Êtes vous également promoteur d’un festival ?

O.B : C’est le festival « Plu-Oui-De-Mo », 100% slam qui se tient chaque année où on a, à la fois, des colloques, des formations et des prestations. Cette année, il (le festival) se tiendra en novembre.

F-A : Dans ce climat d’insécurité, quel rôle l’artiste musicien peut-il jouer afin de lutter contre ce fléau ?

O.B : Le climat interpelle les hommes de médias, et plus encore les artistes parce que ce sont eux les porteurs de messages du peuple et à la fois, des références. Parce qu’ils sont appelés à la fois à égailler, à enseigner, à apporter un truc, que ça soit dans des moments difficiles ou de joie. Je crois que compte tenu de la situation, nous devons en tant qu’artistes aller au-delà de faire un titre pour dénoncer le terrorisme et prendre en compte l’esprit et la mentalité actuels. Quoi qu’on dise, si on est arrivé à cette situation c’est qu’il y a eu des étapes qui nous ont conduit jusqu’à cette situation. C’est faire face à ces insuffisances que nous avons eu à travers des œuvres musicales ou par des activités, et prendre à bras le corps le problème actuel qui n’est pas lié à l’Etat mais au burkinabè lui-même, pour essayer de sauver ce que nos ancêtres ont su garder jusqu’à l’heure actuelle, qui est déjà nos valeurs. C’est dire la vie de tout un chacun en société, comment nous traitons les autres, parce qu’aujourd’hui il y a beaucoup de laisser-aller. L’artiste en ce moment au-delà d’amuser, doit interpeller par des faits concrets.

F-A : Votre ministère de tutelle à savoir celui de la Culture, des arts et du tourisme ; pensez-vous qu’il est à la hauteur de vos attentes ?

O.B : Actuellement je peux dire qu’avec le ministre Sango à la tête de ce département ministériel, et qui en un temps record, a su cerner le milieu avec son ouverture d’esprit, sa manière d’observer, de regarder et d’agir, on voit qu’il y a eu beaucoup de choses qui se sont posées. Même si on estime que beaucoup doit être faits, il y a déjà un grand effort qui a été fourni. Je pense que notre ministère de tutelle ne manque pas de volonté, cependant c’est plus aussi aux artistes et aux acteurs culturels de s’organiser et de pouvoir proposer en complicité avec le ministère. C’est ce qui pourra réellement sortir la culture burkinabè de cette crise, parce que c’est une crise qui ne dit pas son nom. Il ne suffit pas de produire, se poudrer pour que chacun ait son dû, mais c’est aller au-delà et viser ensemble très loin. C’est-à-dire, faire en sorte que tout ce que nous allons faire soit dans l’intérêt de la Nation prioritairement et le reste s’en suivra.

F-A : Quelle lecture faites vous sur la situation politique du Burkina Faso ?

O.B : la situation politique du Burkina Faso est très complexe, tellement complexe que quand on y lit, on n’y voit rien. Ce que je pourrais dire, c’est que la situation c’est d’abord le burkinabè. Pour qu’il y ait des gens pour venir frapper, foutre le “b@rdel“ et semer la discorde, il faut qu’il y ait des failles d’abord au sein même de la communauté. S’il y a des failles, c’est que d’autres ont cédé. Ce que je veux dire, si tout ça arrive à s’étendre à un tel point que ça devienne des conflits inter-religieux ou communautaires, c’est que ça devient sérieux et ce n’est plus une question politique ; c’est-à-dire que, même si le régime actuel part dans un an, cinq ans etc, ce mal va toujours demeurer et exploser un jour. Personnellement, je pense que si le burkinabè arrive à cette période vraiment difficile, qu’il arrive à être humble. On dit souvent que le burkinabè est humble, mais je pense qu’il est plutôt modeste. Se dire, je ne vais pas me rabaisser pour accepter telle ou telle chose, ce n’est pas de l’humilité. On n’a qu’à rester humble et dire, un tel m’a fait ça, il a tort mais je laisse tomber tout en acceptant de passer à autre chose. Ainsi, on pourra sauver les meubles. Tous les maux que traverse le Burkina Faso, sont dus au manque d’humilité du burkinabè. Le vrai problème, c’est ce qu’est le burkinabè et non ce qu’il traverse.

F-A : Face à cette situation politique, quel message avez vous à l’endroit des concernés ?

O.B : Tout ce que je peux dire, c’est d’être toujours dans l’union. Je crois d’ailleurs qu’ils ont emboîté le pas et l’équipe doit beaucoup travailler. Il faut œuvrer à rassembler et essayer d’éclaircir les gens. Souvent les gens agissent parce qu’ils sont instrumentalisés. Ils disent qu’untel est capable, untel n’est pas capable et en ce moment, c’est le peuple qui perd. Et on va tous payer le prix. Si y a un problème au Burkina, ça doit interpeller tout le monde, que ça soit opposant ou majorité et ils doivent sonner l’alarme pour le bien de la Nation. Mais nous remarquons qu’il y a beaucoup de “n’importe quoi” si je peux me le permettre. Certains burkinabè sont plus dans l’ambition que dans l’avenir du Burkina. Les élections s’approchent et chacun vient dire qu’il a la solution pour 2020. Si vous avez la solution pour 2020, pourquoi attendre 2020 ? On ne le souhaite pas mais si toutefois, la situation s’empire avant 2020, y aura-t-il des élections ? Si vous êtes vraiment pour votre pays, apportez tout ce que vous savez faire pendant  que le pays a besoin de vous, au lieu d’attendre 2020. Il faut aller au-delà des intérêts personnels et être humble, accepter l’autre. On va trouver ça fou, mais je vous assure que le problème actuel du Burkinabè sera réglé. L’humilité, c’est vraiment profond; accepter, pardonner et souvent se dire que nous ne sommes rien. Aujourd’hui tu peux parler et demain ne plus être là.

F-A : Ombr Blanch a des textes poignants, solides. Qu’est ce qui vous inspire ?

O.B : C’est tout simplement ce que nous vivons quotidiennement. Par exemple la situation du Burkina, autant ça vous interpelle en tant que journalistes, nous interpelle également en tant qu’artistes et nous puisons dans les mêmes ressources. C’est tout ce que je vis de prêt ou de loin, qui m’inspire et c’est pourquoi je n’ai que des titres. On dit souvent que c’est pour plomber l’ambiance, mais je n’écris qu’en vrai. Je ne dis pas dans le slam ce que je n’épouse pas. Ce n’est pas que je slame ma vie, mais je slame plutôt ce qui est réel.

F-A : Quelles sont les relations artistiques que vous avez avec les autres slameurs ?

O.B : Ça fait quand même longtemps, depuis 2006-2007 que je suis sur les scènes. Peut-être la nouvelle génération, on se connait pas perso, mais tous les slameurs, on se connait, on se côtoie. On n’a pas de problème, au contraire on n’a que des projets. C’est pareil avec les autres artistes musiciens.

F-A : Votre mot de fin

O.B : C’est de vous dire merci pour la parole donnée et dire merci à tous ceux ou celles qui soutiennent et qui continuent de croire en la culture, la musique en générale et au slam en particulier. Aussi, c’est un moment clé de notre vie, les jours se suivent mais ne se ressemblent pas et chaque jour, on prend de l’expérience. Je pense qu’avec l’expérience, il est bon qu’on s’asseye, qu’on construise même s’il faut encore démolir pour repartir sur de nouvelles bases, mais construire cette fois-ci sur du roc. Comme on le dit, un temps pour déchirer et un temps pour recoudre. S’il faut encore redéchirer et recoudre, faisons le. Allons ensemble pour un meilleur lendemain.

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