Société : Moi, le boutiquier et la pièce de 200f

 

Une pièce de 200 FCFA qui refuse de changer de main. Elle tourne entre le boutiquier de mon quartier et moi. Sa particularité, elle est très “dégradée“ . Dans mon quartier, on dit “votre argent est lisse“. Quand je fais des achats chez mon boutiquier et que je dois prendre la monnaie, il se débrouille pour me rendre ces 200f. A mon tour, quand je dois faire des achats également, je m’assure de lui remettre la même pièce. Et le ping-pong dure depuis trois mois.

Mais qui a été le premier à donner cette pièce à l’autre ? Personnellement, je ne sais pas. En tout cas, cette pièce ne passe pas ailleurs. Quand j’ai essayé de l’utiliser ailleurs, impossible ! L’on me lance sur la figure : « Votre argent est “lisse“ ». « Cet argent, je ne l’ai pas fabriqué et il ne m’appartient pas. C’est sa valeur qui est mienne », essayant de m’expliquer, mais peine perdue. Alors je me suis rabattu sur mon boutiquier pour continuer le jeu de ping-pong. Et du coup, je me suis dit : “Et si tout le monde s’entend pour utiliser les pièces d’argents aussi lisses soient-elles ? C’est-à-dire qu’on décide tous, d’un commun accord, d’accepter tout type de pièce d’argent. Ne souffrirons-nous pas moins ?” En tout cas, moi et mon boutiquier du quartier, nous jouons le jeu.

C’est une erreur de penser qu’une pièce n’est pas utilisable. A partir du moment où l’on reconnait la pièce de monnaie, on sait très bien sa valeur, on devrait l’accepter. Nul besoin de choisir de souffrir collectivement alors qu’on peut s’entendre pour régler certaines situations, surtout en ces temps de souffrance économique. Il y a des localités au Burkina Faso où l’on n’accepte plus la pièce de 250f. Je n’ai pas entendu parler de ça, j’en ai été témoin et victime dans la Boucle du Mouhoun. Puis je me demandais, « c’est quoi cette torture ? ». Qui a dit qu’il ne faut pas accepter cette pièce d’argent ? Et personne pour répondre. Ils te diront tout simplement : « personne ne la prendra avec moi si je la prends avec toi ». C’est comme si les populations ont décidé de souffrir ensemble. Quelques-uns ont juste décidé de souffrir, alors on rend cette souffrance collective pour que tous, nous souffrons. Mais jusqu’à quand ?

1 Commentaire sur "Société : Moi, le boutiquier et la pièce de 200f"

  1. Vraiment une très belle histoire teinte de morale

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