Convention nationale de la coordination des universitaires et experts associé du MPP: Discourt d’ouverture de Salif Diallo

  • Monsieur le Ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de l’Innovation ;
  • Monsieur le Ministre de l’éducation Nationale et de l’Alphabétisation ;
  • Camarades universitaires et experts associés ;

Je voudrais vous dire toute la satisfaction de la direction Politique du Mouvement du Peuple pour le Progrès de voir la frange intellectuelle du parti réunie en Convention pour proposer des orientations opérationnelles pour une reconfiguration de notre système éducatif, en particulier dans ses composantes enseignements secondaire et supérieur.

S’il y a une volonté que l’action politique et les convictions intellectuelles ont en partage, c’est bien celle de transformer positivement les sociétés humaines. Intellectuels engagés politiquement, vous êtes au cœur de cette volonté double et je n’ai aucune prétention à vous montrer le chemin à suivre. Le temps de la réflexion et de l’action conjointe a sonné car personne, mieux que vous, ne sait que notre système éducatif est à la croisée des chemins.

Depuis la conférence de Jomtien (Thaillande) de 1990 où les Nations Unies ont pris l’option de l’éducation pour tous, notre système éducatif est submergé par les interférences de la Banque Mondiale qui a donné la priorité à l’enseignement primaire au détriment du secondaire et du supérieur. On a royalement ignoré que les grands flux du primaire allaient un jour arriver au secondaire, puis au supérieur. Et, en toute irresponsabilité l’Etat s’est désengagé laissant ainsi le pilotage de son système éducatif aux institutions internationales.

Aujourd’hui le Burkina Faso a mal à son école, surtout au niveau de l’ordre supérieur du fait essentiellement du déséquilibre profond entre les exigences d’une formation de qualité et les ressources disponibles. Tous les ordres d’enseignement sont confrontés à des problèmes d’orientation et d’adaptation de leurs contenus aux réalités actuelles de la société et de l’économie.

Le niveau secondaire est dominé par des enseignements trop généraux, sans véritables débouchés sur le monde professionnel tandis que l’enseignement supérieur burkinabè se caractérise par :

  • Le chevauchement interminable des années académiques dans presque toutes les universités publiques ;
  • Une surpopulation estudiantine qui est passée d’environ 10 000 étudiants en 1997 à près de 80 000 en 2016 ;
  • Une faiblesse de l’accompagnement social des étudiants ;
  • Des diplômés dont les profils sont, pour beaucoup, en inadéquation avec le marché de l’emploi ;

C’est dans ce contexte qu’est intervenue la réforme LMD (Licence-Master-Doctorat) dans notre pays en 2009. Ce système qui aurait dû être une interpénétration entre le système éducatif et le monde du travail a aggravé les difficultés de fonctionnement des Universités publiques, faute d’un accompagnement conséquent.

Les différents cadres de réflexion tenus jusqu’à ce jour pour apporter des solutions n’y ont rien fait :

  • Séminaire de Bobo Dioulasso sur l’enseignement supérieur (1992) ;
  • Etats généraux de l’éducation (1994) ;
  • Comité Ad’hoc de Réflexion (2012) ;
  • Etats généraux de l’enseignement supérieur au Burkina Faso (2013) ;
  • Séminaires sur le LMD (2013, 2015)

Camarades, comme vous pouvez le constater, ce n’est pas la réflexion prospective qui a manqué ; encore moins le diagnostic sans complaisance. C’est dire qu’il est plus qu’urgent pour vous d’aller au-delà des visions prospectives pour proposer des solutions concrètes et pérennes aux maux de notre système éducatif, afin de redonner confiance à la jeunesse méritante du pays.

Face aux graves dysfonctionnements structurels de notre système éducatif, nous avons le devoir, devant l’histoire et vis-à-vis du peuple laborieux du Burkina Faso, de prendre des décisions fortes, courageuses pour prévenir un blocage inexorable et total. Nous ne pouvons plus nous accommoder des rafistolages conjoncturels qui, jusque-là, n’ont eu aucun effet probant et durable.

Fort de la légitimité du peuple, les plus hautes autorités du pays attendent de vous des propositions concrètes et conformes aux engagements du Président du Faso, son Excellence Monsieur Roch Marc Christian KABORE.

 

Camarades, notre système éducatif est moribond et agonisant !

Il ne s’agit plus pour nous de nous donner bonne conscience en tentant de dédouaner l’action gouvernementale mais, à la vérité, il nous faut reconnaître sans complaisance que notre système éducatif n’est plus en phase avec les enjeux actuels de la globalisation et les défis de développement du Burkina Faso. Et l’enseignement supérieur souffre d’une crise de croissance.

  • Comment pouvait-il en être autrement lorsque, à défaut de vision et de planification, nous préférons délibérément naviguer à vue ?
  • Comment pouvait-il en être autrement lorsque l’enseignement supérieur et la recherche restent cloisonnés et classés comme secteurs non éligibles par les bailleurs de fonds ?
  • Comment pouvait-il en être autrement si les décideurs n’ont pas toujours eu l’intelligence et la responsabilité de doter conséquemment nos Universités publiques en ressources indispensables pour être au rendez-vous de l’excellence ?

A cela s’ajoute également le comportement de certains acteurs du système éducatif qui ne forge pas le respect des politiques et déteint l’image des intellectuels que vous êtes. De nos jours, les Universités publiques sont délaissées par bon nombre de leurs enseignants, recrutés et payés par l’Etat, au profit du privé qui connaît un développement anarchique et opportuniste. Ces offres privées auraient pu être une alternative viable si elle avait vraiment développé un corps professoral propre. Mais en vérité, le privé contribue à aggraver le dysfonctionnement des Universités publiques en les vidant de leurs enseignants.

C’est pour moi, l’occasion de reconnaître toute l’énergie et l’abnégation déployées par beaucoup d’enseignants pour assumer au mieux leur sacerdoce de formateurs et d’éducateurs, souvent au prix de leur santé et de leur vie. Les résultats très honorables du Burkina Faso à chaque session annuelle des Comités Techniques Spécialisés du CAMES et les échos élogieux qui nous viennent de l’extérieur, attestent du rayonnement scientifique du pays à travers ses enseignants et chercheurs.

Je voudrais aussi saluer et féliciter les organisations syndicales d’enseignants et d’étudiants qui, dans un élan constructif et un esprit de concertation, se battent inlassablement pour de meilleures conditions de travail, d’étude et de vie.

Camarades universitaires et experts associés, c’est dire qu’en dépit des difficultés structurelles, le Burkina Faso dispose d’un potentiel humain capable de rendre les différents ordres d’enseignements performants, en phase avec les besoins de notre économie et de notre société.

Un sage visionnaire chinois nous rappelle que : «Si vous voulez détruire un pays, inutile de lui faire une guerre sanglante qui pourrait durer des décennies et coûter cher en vies humaines. Il suffit de détruire son système éducatif et d’y généraliser la corruption. Ensuite, il faut attendre vingt ans et vous aurez un pays constitué d’ignorants et dirigés par des voleurs. Il vous sera très facile de les vaincre».

Aujourd’hui, nous devons nous rendre à l’évidence que notre système éducatif du Burkina Faso est à la croisée des chemins. Nous avons la responsabilité de le reconstruire sur selon notre propre vision, quoi qu’il nous en coûte. Et, il vous revient de nous indiquer la meilleure reconfiguration.

 

Camarades, nous devons agir !

Au regard de ce tableau peu reluisant, il nous faut donc agir et au plus vite pour désamorcer cette bombe à retardement avant que le blocage imminent ne nous oblige à réagir tardivement. Et bien plus que vos convictions politiques, vos statuts d’acteurs du système éducatif et d’intellectuels vous y astreignent.

Avec vous, nous devons être à la hauteur des attentes du peuple qui nous a donné toute la légitimité. Nous devons rompre avec le bricolage en faisant preuve de courage, d’ingéniosité, de volonté et de responsabilité dans la prise de décisions pour solder les comptes de ce système qui tire nos indicateurs de développement humain vers le bas.

Pour une fois, réfléchissons par nous-mêmes et pour notre peuple en toute responsabilité. Notre réflexion se doit d’être holistique afin de sortir des sentiers battus.

Demain, il pourra nous être reproché d’avoir tenté une reconfiguration de notre système éducatif.  Mais cela sera une bonne chose plutôt que le contraire, parce que nous l’aurions fait en toute responsabilité dans l’intérêt de notre peuple et de sa jeunesse.

Nos convictions et notre engagement devant le peuple nous imposent une reconfiguration de nos ordres d’enseignement pour être en phase avec les défis de développement du Burkina Faso.

Du reste, vos expertises respectives, vos diverses contributions intellectuelles antérieures et le programme présidentiel doivent sous-tendre votre réflexion.

 

Camarades, notre engagement politique !

Certains d’entre vous sont animés d’un sentiment de scepticisme ambiant ou de doute, fondé sur les expériences passées du déjà vu et entendu, quant à la portée réelle de l’issue de cette convention. Je voudrais, ici, vous affirmer solennellement l’engagement de la direction du parti à s’approprier les axes opérationnels de vos réflexions pour une mise en œuvre effective par qui de droit.

Nous n’avons ni le droit, ni d’excuses à laisser sombrer notre système éducatif. Aucun schéma de développement n’est possible et viable sans intelligence. Or l’intelligence est façonnée par un environnement paisible et un système éducatif de qualité.

Le peuple du Burkina Faso post-insurrectionnel nous observe et attend mieux de nous, de vous encore plus de par votre statut social d’intellectuels engagés. On vous met au défi de trouver les thérapies qui permettent à la fois de conformer nos espaces de formation avec la volonté politique du Chef de l’Etat, celle de valoriser le potentiel le plus précieux que nous avons : le capital humain.

Faisons du slogan de notre parti une réalité qu’Ensemble, le progrès est possible.

Camarades, votre réflexion doit orienter au mieux le politique dans la reconfiguration du système éducatif du Burkina Faso afin que :

  • Le milieu éducatif devienne un espace d’épanouissement où se côtoient le sacerdoce, le serment, la déontologie, l’éthique, la probité et la performance. Bref, l’excellence ;
  • La jeunesse burkinabè accède à des offres de formations diversifiées de qualité ;
  • Nos Universités publiques ne soient plus un mur de lamentations ou une chaudière en ébullition du fait de la clochardisation et la déresponsabilisation des acteurs.

Camarades, ce que le parti attend de vous !

Au sortir de cette convention, nous attendons de vous un cadre logique de mise en œuvre de la reconfiguration de notre système éducatif avec mesures immédiates, notamment :

  • La priorité à accorder au système éducatif ;
  • Un plan de renforcement des infrastructures ;
  • Une stratégie de promotion des filières techniques et professionnelles ;
  • La valorisation des TIC dans les différents ordres d’enseignement ;
  • Les mécanismes de bonne gouvernance de notre systèmes éducatifs ;
  • Le coût d’investissement global à l’horizon 2019.

Même si l’Etat devait adopter un «Plan MARSHALL» pour reconfigurer son système éducatif, cela ne serait que salutaire.

Nous avons rendez-vous avec notre peuple reconnaissant et l’Histoire pour solder les comptes de notre système éducatif grâces aux fruits de votre réflexion que je souhaite féconde et judicieuse.

Excellents travaux à vous. Je vous remercie !

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